Pearl Davis : “l'Andrew Tate au féminin”

La YouTubeuse aux milliers d’abonnés qui prêche le retour au Moyen Âge

Pearl Davis ©YouTube/@justpearlythings

Pearl Davis ©YouTube/@justpearlythings

Je n’aime pas dire du mal des autres et je suis persuadée qu’entre meufs, on doit se soutenir et faire preuve de sororité. Mais hé, il y a toujours des exceptions à la règle, n’est-ce pas ? Parce que s’il y a quelqu’un avec qui je n’aurais aucune envie de me serrer les coudes, c’est bien la YouTubeuse Pearl Davis.

La première fois que j'ai découvert l’existence de Pearl, je dois admettre que j'ai ri, face à l'absurdité, le ridicule et la bêtise de ses propos. Cependant, cette première réaction a vite laissé place à de l’angoisse, car j’ai réalisé que Pearl est convaincue de ce qu’elle avance.

Peut-être ne connaissez vous pas Pearl Davis. Si c’est le cas, laissez-moi vous faire les présentations. Pearl Davis est une influenceuse américaine de 27 ans, qui remet en question l’égalité femmes/hommes et qui est convaincue que le droit de vote ne devrait pas être accordé aux femmes. Elle soutient que le rôle des femmes se résume à soutenir les hommes, ajoutant que ces derniers n’ont pas une vie facile car “ils doivent toujours payer pour les mauvaises décisions des femmes”. Vous commencez à vous faire une idée du personnage ? Accrochez-vous, ce n’est pas fini. Elle prétend également que c'est la faute de la femme si son partenaire la trompe, et va jusqu'à affirmer que les hommes devraient être autorisés à frapper les femmes.

Si cela vous fait penser à l’influenceur masculiniste Andrew Tate, c’est normal. Ce dernier, en plus de faire du trafic d’être humains et d’être accusé de viol, proclame que les femmes sont la propriété des hommes et qu'elles doivent “assumer la responsabilité" de leur propre viol. Une belle grosse m*rde, quoi, comme on dit par chez moi.

Pearl Davis et Andrew Tate ©Instagram/@justpearlythings1

Pearl Davis et Andrew Tate ©Instagram/@justpearlythings1 

En plus d’être l’une de ses fans et de l’avoir invité sur sa chaine YouTube, cette “Andrew Tate au féminin”, partage avec lui la conviction que les femmes ont moins de valeur que les hommes. Tous deux possèdent d’ailleurs une audience assez similaire, composée d’adolescents et de jeunes hommes hétérosexuels manquant de confiance en eux, à qui ils font croire en toute détente qu’ils sont supérieurs et à qui ils encouragent d’exiger la soumission des femmes.

Mais Pearl est quelque chose qu’Andrew Tate n’est pas : c’est une femme. Elle devient en conséquence un symbole pour Andrew Tate et ses partisans, qui doivent probablement la considérer comme une alliée de leurs idées. De plus, le fait qu’elle soit une femme lui permet d'atteindre un public plus vaste, devenant un modèle pour d’autres jeunes femmes, à qui elle atteste que la soumission est un super moyen de devenir "cool et populaire”.

Il est assez cocasse qu’elle tienne de tels propos, sachant que sa mère fut membre du conseil d'administration de UN Women USA, une organisation soutenant les programmes des Nations unies en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes. L’histoire ne nous dit cependant pas s’il y a eu un loupé dans l’éducation de Pearl ou si elle a cherché à rentrer en opposition avec sa mère.

Selon Pearl, plus rien ne va, mais elle a des solutions à tout cela. Pour elle, tout irait mieux si les femmes étaient vierges avant le mariage, car apparemment "la seule chose pour laquelle nous sommes censées être meilleures [que les hommes], c'est la pureté". Il faudrait ensuite nous retirer le droit de vote, et pour finir nous interdire l'accès à la pornographie.

Une fois que tout cela est dit, je me suis demandée que faire de Pearl Davis. Il est indéniable qu’elle tient des propos insensés, rétrogrades et dangereux. Elle contribue à normaliser des comportements toxiques et nocifs, en minimisant la responsabilité des agresseurs et en culpabilisant les victimes. Parce que, s’il faut en rajouter une couche, elle est persuadée que si une femme est obèse, elle ne "mérite pas un homme qui gagne six chiffres".

BREF, restons zen.

La censurer pourrait être la réaction appropriée, mais est-ce une solution viable ? Parce si elle s’est fait bannir de TikTok l’an passé, "pour avoir dit la vérité sur le féminisme", elle était auparavant suivie par 930 000 personnes. Quant à sa chaîne YouTube, elle compte actuellement 1,88 million d'abonné.e.s.

pearl davis instagram

Commentaires sous une publication de Pearl Davis ©Instagram/@justpearlythings1

Si s'indigner du contenu nocif de Pearl Davis est une réaction naturelle et humaine à avoir, cela lui donne de l’importance et attire l'attention sur elle. Ce qui lui procure plus de "vues", plus de clics, et malheureusement, ce qui peut impliquer pour elle un plus grand nombre de followers. Donc encore plus de gens qui soutiennent sa supposée “franchise” et son prétendu “courage”. Il suffit de faire un tour dans les commentaires sous ses vidéos et ses post Instagram pour réaliser son influence (et pour prendre peur, au passage).

Cette popularité acquise ne se limite pas aux plateformes en ligne et attire même l’attention des médias dits "traditionnels”, comme en témoigne sa participation à l'émission de télévision de Piers Morgan et son interview pour Insider.

En commençant à rédiger cet article, je me disais que le mieux serait qu’on se cotise tous pour payer à Pearl un voyage dans le temps, histoire qu’elle puisse retourner au Moyen-Âge, d’où semblent provenir sa mentalité et ses idées dangereuses et dépassées. Je me suis également brièvement demandée si elle était pas juste un gros troll, qui avait trouvé un créneau pour faire le buzz auprès des masculinistes.

Mais je me dis que le mieux n’est pas de nous casser la tête à propos de Pearl Davis.

Le mieux est sans doute d’apprendre à l’ignorer

Précédent
Précédent

Vingt ans après tout le monde, j’ai regardé “Newport Beach”

Suivant
Suivant

La “blonde idiote”: déconstruction d’un stéréotype