Vingt ans après tout le monde, j’ai regardé “Newport Beach”

Newport Beach

Newport Beach ©FOX

Il y a vingt ans, le monde découvrait la série Newport Beach. Parce que je n’avais même pas dix ans à sa sortie, il ne m’était jamais venu à l’idée de regarder ce teen drama. Et il ne m’était jamais non plus passé par l’esprit en grandissant de le faire, étant bien trop occupée à regarder Sept à la maison, puis des séries très chouettes comme Fleabag ou Black Mirror.

Parfois considérée comme culte, Newport beach (The O.C. pour les intimes et autres partisans du titre original) fut diffusée à partir d’août 2003 aux Etats-Unis et octobre 2004 en France. Cette série suit des jeunes californiens de Newport Beach, une municipalité riche d’Orange County au sud de Los Angeles. On est introduit dans leur quotidien par le biais de Ryan Atwood (Ben McKenzie), 16 ans, adolescent brillant originaire d’un quartier bien moins favorisé et bien moins fortuné. Inculpé pour complicité dans un vol de voiture, il rencontre Sandy Cohen (Peter Gallagher), avocat de l'aide judiciaire. Celui-ci le ramène chez lui, où il vit avec sa femme et son fils Seth (Adam Brody). Ryan tombe amoureux de la voisine, Marissa Cooper (Mischa Barton), devient proche de Seth et finit par être adopté par les Cohen. Il découvre au passage que cette communauté bourgeoise est, sous toutes ses paillettes, pleine de trahisons, de doubles vies et de secrets

Récemment, du haut de mes 30 ans et sans raisons particulières, j’ai regardé une saison et demie de la série. 

Alors, que retirer de cette série, ou du moins des 39 épisodes que j'ai vu ? (quelle idée, d’ailleurs de faire une première saison avec 27 épisodes ?!) 

Tropes que l’on retrouve dans de multiples romans, films et séries 

Newport Beach ©FOX

Newport Beach ©FOX

En série typique du début des années 2000, Newport Beach utilise de nombreux tropes conventionnels pour construire ses intrigues et développer ses personnages. Il y a évidemment le classique “baiser interrompu”, où deux personnages sont sur le point de s'embrasser mais sont interrompus juste avant que cela ne se produise.

Les personnages classiques des teen séries sont également présents, tels que le rebelle au grand cœur, incarné par Ryan, le beau gosse sportif du lycée, Luke, qu’on croit méchant mais qui se révèle être gentil et qui sort avec Marissa, la it girl par excellence... Puis, comme dans Gossip Girl qui sortira quelques années plus tard, on est face à des ados qui ne mettent que très rarement les pieds en cours et vont à des fêtes luxueuses et extravagantes.

À mesure que l'histoire progresse, Ryan et Marissa deviennent un couple, suivant ce schéma de la pop culture voulant que l'outsider sorte avec la fille la plus populaire du lycée. Seulement, comme évoqué juste au-dessus, lorsqu’il débarque, Marissa est en couple avec Luke. Est alors instaurée une tension romantique qui délimite un triangle amoureux entre eux trois. Ce ne se sera évidemment pas le seul. Rien que dans la portion de la série que j’ai visionné, j’ai assisté au moins à quatre autres triangles amoureux. Mais bon, sans ça, est-ce que Newport Beach serait vraiment un teen drama ?

Le motif narratif du "couple d'ennemis à amoureux" est également exploité. Mettant en scène deux personnages initialement en conflit qui finissent par développer des sentiments l'un pour l'autre, on le retrouve dans Orgueil et préjugés, par exemple, mais aussi Buffy contre les vampires et Mes premières fois.

Il est incarné dans la série avec les personnages de Summer Roberts (Rachel Bilson) et Seth Cohen. Bien que le terme “ennemi” soit un peu fort dans leur cas, tout semble les opposer. Lors des premiers épisodes, elle est présentée comme une lycéenne populaire, tandis que lui est montré comme un adolescent geek, passionné par les bandes dessinées et la musique indie. Mais comme l’on pouvait un peu le prévoir, ils finissent par mettre leurs différents de côté et par tomber amoureux. Et à priori, par se marier à la fin. Oui, je viens de spoiler un épisode que je n’ai même pas vu. Oups ?

Newport Beach contient son lot de scènes problématiques 

Newport Beach ©FOX

Newport Beach ©FOX

Mettons tout de suite de côté la rapidité avec laquelle Newport Beach fait évoluer les intrigues et à quelle vitesse certains conflits sont résolus. C’est une série pour ados, donc on pardonne. Comme on pardonne certaines trames narratives qui ne tiennent pas debout. - Déjà, la simple idée que Sandy ramène Ryan chez lui. Quel avocat propose à son client de venir vivre avec lui ? - Cependant, j’ai un peu plus de mal avec le fait que la teen série n’est pas exempte de dialogues douteux et de moments problématiques

J’évoquais un peu plus haut le personnage de Luke. Son couple avec Marissa faisant partie du passé, Luke jette son dévolu sur Julie (Melinda Clarke), la MÈRE de Marissa. Et c’est comme ça que tous les deux entament une liaison. Sachant que Luke a 16 ans, il s'agit fondamentalement d’un détournement de mineur, complètement normalisé et banalisé. Suite à cela, Julie ne fait jamais face à la justice et plus personne n’en parle. Dans le même registre et de façon complètement inappropriée et tordue, on peut entendre Sandy dire en route détente à son fils Seth que Summer “est sexy”, alors qu’elle a 16 ans. Monsieur Cohen, permettez-moi de vous annoncer que ce genre de réflexions vous font passer pour un gros tordu. 

La santé mentale, quant à elle, est abordée de façon étrange et peu délicate. Marissa connaît des hauts et des bas émotionnels, des épisodes de grand mal-être et de consommation excessive d'alcool, qui finissent par avoir des conséquences graves sur sa santé et son comportement. C’est cependant encore quelque chose de banalisé et simplifié par la série, uniquement à des fins narratives. En ce qui concerne Oliver (Taylor Handley), qui devient un ami proche de Marissa, il a un comportement qu’on pourrait qualifier de perturbant, assez proche du gros stalker. L’on apprend par la suite qu'il invente certains aspects de sa vie, suggérant qu’il a des problèmes de santé mentale. Le problème, c’est qu’en plus d’être peu réaliste, c’est montré de façon ultra sensationnaliste.

Et puis, de manière générale, on observe une absence de diversité parmi les personnages principaux, qui sont majoritairement minces, blancs et issus de milieux sociaux privilégiés. Le seul personnage non blanc, Theresa (Navi Rawat), a une intrigue peu développée et disparait assez vite. Enceinte et souhaitant éviter que Ryan se sente obligé de rester avec elle, elle trouve pour seule solution de lui mentir, en lui faisant croire qu’elle a fait une fausse-couche. Voilà qui est étrange. 

Malgré tout, cette série a un charme incontestable

Une fois que tout cela est dit, on ne peut indéniablement pas enlever à Newport Beach son influence et ses aspects sympathiques. Comme on ne peut pas lui enlever qu’elle n’est pas si naïve et peut être considérée comme une réelle critique sociétale. Elle aborde des thèmes profonds, tels que la disparité économique, les tensions entre les classes sociales et la domination masculine. Elle met en lumière une certaine réalité sociale, s’appuyant sur le contraste entre les quartiers huppés comme Newport Beach et les quartiers plus modestes. 

Non, mais, qui a des bras comme ça à 16 ans (à part Ryan) ?! / Newport Beach ©FOX

Reconnaissons par ailleurs que la plupart des personnages sont attachants, même si l'on a du mal à croire que Ryan et Seth ont 16 ans. En même temps, et c’est assez courant à Hollywood, leurs interprètes avaient dépassé cet âge-là depuis longtemps. Mais qu’importe, on ne peut qu’apprécier la loyauté et le caractère réservé de Ryan, ainsi que l’humour et la gentillesse de Seth. Summer, initialement présentée comme populaire et légèrement insupportable, évolue quant à elle progressivement pour dévoiler des facettes plus profondes de son humour et de sa personnalité. Et puis, comment ne pas se reconnaître d’une façon ou d’une autre dans la quête d'identité et la recherche de sa place dans le monde que traverse Marissa ?

On peut, pour finir, saluer la grande qualité de sa bande-son, qui est un personnage à part entière, selon les dires de Josh Schwartz, le créateur de la série. Déjà, deux épisodes comprennent des reprises d’Oasis et moi, dès qu’il y a du Oasis, je suis contente. Plus que cela, la série a joué un rôle significatif dans la popularisation de groupes de musique indie et alternative. Plusieurs se produisent en live à différents moments de la série, comme The Walkmen, Rooney et The Killers. Ces derniers, au détour d’un épisode, interprètent plusieurs de leurs chansons, dont l’extraordinaire Everything Will Be Alright. Seth trouve ça “incroyable” et je suis à 1000% d’accord.

Death Cab For Cutie sont quant à eux joués dans une voiture dans la première saison mais Summer les réduit à une "simple guitare et des chanteurs qui ont l'air de se plaindre". Visiblement, cette vision fut contredite par le public, le groupe ayant connu une forte notoriété dans les semaines qui ont suivi la diffusion de l'épisode.

Il est assez fou de constater à quel point la musique joue un rôle important dans l'atmosphère et l'identité d'une série, et comment des choix de morceaux peuvent avoir un impact durable sur l'appréciation culturelle. Cet effet se démontre avec Newport Beach, mais avec un tas d’autres séries télévisées. Demandez à Kate Bush et Stranger Things, ils pourraient vous le confirmer. 

Newport Beach ©FOX

Newport Beach a un petit côté guilty pleasure bienvenu et apporte un peu de douceur dans notre quotidien à la fois monotone et anxiogène. Mais entre nous, je ne suis pas certaine de poursuivre son visionnage. Si je dois regarder des gosses de riches issus de quartiers favorisés, je préférerais honnêtement me faire une séance de nostalgie et regarder le film Clueless

En gardant cependant en tête deux choses. Premièrement, que cette série a participé à populariser le genre des teen séries, devenant un modèle pour celles qui ont émergé par la suite et influençant toute une génération d’adolescent.e.s. Et deuxièmement que, bien que je sois à des milliers de kilomètres d’Orange County, je peux avoir l’impression d’être à deux pas de Los Angeles et de la mer, et n’avoir le Mexique qu’à quelques heures de voiture. Pour cela, il me suffit de fermer les yeux et de me dire que :

California here we come,
Right back where we started from
Californiaaaaaa,
Here we cooooome!

Vous avez envie de prolonger cette escapade californienne ? Ça tombe bien, à défaut de réellement vous emmener là-bas, j’ai concocté une playlist avec mes chansons préférées entendues dans les épisodes que j'ai visionné. Cliquez ici pour l’écouter.

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